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Le Retour du Dodo
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2 juin 2006

‘Monster’ d'Urasawa: une réussite monstre

MANGA

Kenzo Tenma est un jeune neurochirurgien promis à un brillant avenir et fiancé à Eva Heineman, la fille du directeur de l’hôpital où il exerce, à Düsseldorf. Un jour il décide contre l’avis de celui-ci d’opérer d’abord un garçon de dix ans plutôt que le maire de la ville qui meurt. Eva rompt avec lui et il perd toute chance de promotion, mais le directeur est bientôt retrouvé assassiné. Dix ans plus tard, Tenma, alors chef du service de neurochirurgie, apprend de l’un de ses patients l’existence d’un dénommé Monster. C’est le début d’une longue série de meurtres… Mais tout cela n’a-t-il pas commencé dix ans auparavant, avec l’arrivée de ce garçon sans nom ?  Ou quatorze ans avant, au tristement célèbre Kinderheim 511 ? Ou 20 ans avant, lors de la naissance de jumeaux, à Prague ? Ou cinquante ans avant, au début des mystérieuses classes de lecture de la villa des Roses ? Ou… ?

monster1A la poursuite sans fin de l’insaisissable Monster à travers toute l’Allemagne correspond un voyage difficile dans le passé et les mémoires pour retrouver les origines du monstre. Les motivations des personnages sont expliquées par les actions d’autres personnages qui elles-mêmes sont expliquées, et ainsi de suite, de façon presque vertigineuse. Cela change agréablement des histoires manichéennes où les méchants sont méchants parce qu’ils sont méchants. Par exemple, le glaçant Peter Capek est en partie responsable de l’existence du terrifiant Monster, mais on aperçoit un instant la figure effrayante de son père quand il était enfant… chaque personnage, sauf peut-être Monster lui-même, est présenté sous un jour humain à un moment ou un autre du récit.

Ce qui est caractéristique, c’est l’importance donnée à ce qu’on appelle habituellement les ‘personnages secondaires’, dont certains deviennent parfois plus proche de vous que le héros. Mon petit préféré, Grimmer et son sourire hors de propos, n’apparaît qu’au tome 10 ! L’impitoyable inspecteur Runge hante à la manière du Javert des Misérables. Qui est le vrai héros dans Monster, c’est une excellente question. Au début, j’ai pensé que c’était Tenma, mais un volume entier peut être consacré à un autre personnages et Tenma être presque oublié sans qu’on perdre le fils de l’histoire. Tout tourne autour de Johann, qui est le point commun de toutes ses histoires individuelles et pourtant, du moins au début, on ne fait que l’apercevoir. 

Une vision de la vie plutôt sympathique _ en gros, rien ne vaut une bonne bouffe entre amis, je ne peux qu’adhérer à cette vérité _ cohabite avec des moments très durs. Certains passages sont crus (la scène de torture de Grimmer ) ou incroyablement cruels, comme ce que Johann fait subir au jeune Miloch.

Monster est LE manga pour les gens qui se méfient de mangas. Le lecteur européen ne sera pas trop dépaysé dans une histoire se déroulant entre l’Allemagne et la république tchèque. Dire qu’Urosawwa s’est bien documenté pour recréer l’atmosphère particulière des diverses villes visitées (Düsseldorf, Munich, Prague…) est une litote. L’image de l’Europe dans ce manga est bien loin de l’image fantasmée de villages proprets et de maisons à colombages que l’on peut trouver, par exemple, dans certains films de Miyazaki (Kiki la petite sorcière).

Graphiquement, Monster peut plaire aux lecteurs de bande dessinée franco-belge, grâce aux décors soignés et réalistes de paysages prahaurbains souvent très beaux. L’ensemble donne une impression de précision, de clarté et d’économie de moyen. J’ai aussi beaucoup aimé la touche ‘Belle au bois dormant’ de la villa des Roses ; toutes les planches où le lecteur en découvre l’intérieur en même temps que l’inspecteur Runge sont superbes. Dommage que le format de poche et la pauvreté de l’impression caractéristiques des mangas ne font pas honneur au dessin.

Le graphisme des personnages est un peu moins réussi mais en compensation, il y a un réel effort pour individualiser chaque personnage, contrairement à ce qui prévaut dans certains mangas où tous ont les mêmes traits féminins et sans relief et les mêmes yeux immenses. Ici les personnages ont un nez busqué ou un gros nez, une bouche trop grande, de l’embonpoint ou un début de calvitie, bref ils sont humains. La règle ne s’applique pas à Tenma _ encore que celui-ci ait de plus en plus mauvaise mine au fil des tomes _ ni aux jumeaux. Mais pour Johann, c’est justifié : sa beauté presque angélique et inhumaine rend plus sombre encore la noirceur de ses actions ; ses traits sans caractère sont l’équivalent graphique de son absence de nom, et de son affirmation tranquille qu’il n’existe pas.

Le vrai point fort de cette série c’est la narration, magistrale. Le supsense est parfois insupportable, même si les fins brutales sont un peu trop systématiques., et plus important, l’intérêt ne faiblit pas tout au long des dix-huit tomes. Monster n’a pas un, mais une série de points culminants. On se demande parfois si Urasawa n’est pas lui-même n’est pas lui-même une sorte de Johann qui manipule de façon diabolique le lecteur pour le pousser à lire tous les tomes à la suite, jusqu’à la fin… une fin qui d’ailleurs, ce qui est le comble de la perversité, ne répond pas à toutes les questions… tellement frustrant… et tellement agréable !

Cette série n’a pas radicalement change mes lectures, dans le sens où je ne suis pas devenue du jour au lendemain une grande fan de manga. Je n’aime toujours les héros juvéniles aux grands yeux, les anges en armure aux ailes sanglantes. Je n’ai même pas essayé de lire une autre série du même auteur _ 20th Century Boys, par exemple, a très bonne réputation _ pour des questions de budgets : 19 tomes et ce n’est même pas fini… Mais Monster prouve qu’il existe une autre forme de manga, comme Miyazaki et Takahata des studios Ghibli m’ont fait découvrir des dessins animés bien meilleurs que la plupart de ce que se fait aux Etats-unis ou en Europe.

Juste quelques mots sur l’adaptation télé du manga. C’est en tombant par hasard sur un épisode à la télé que j’ai découvert Monster. L’adaptation est très fidèle au manga et plutôt bien faite la plupart du temps, mais elle reste formatée pour la télé : la musique n’est pas terrible et surtout, l’animation est trop souvent statique. Il vaut mieux lire les livres, comme toujours.

(Cliquer sur les images pour les agrandir )

monster_page2

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Commentaires
G
Je ne saurai jamais assez te dire merci! :) je me rappelle que pendant que tu m'en parlais j'étais déjà en train de m'imaginer que ça ne plairait pas! ;D Ce qui est génial c'est de lire une histoire qui se déroule dans des villes ou on est déjà aller. enfin pas toute, mais maintenant j'ai envie de chercher certains bâtiment (en esperant qu'ils existent vraiment pour de vrai!) En tout cas, l'auteur a vraiment fait du bon travail, un japonais qui connait presque mieux notre pays voisin! :D
O
Aah, Monster...je l'ai lu d'une traite, et j'ai beaucoup aimé...En fait, j'en ai fait des cauchemars .<br /> En tous cas, bravo pour ce texte, intéressant et bien écrit (pour ce que je peux en juger, et en français...j'avoue ne pas jeter un oeil sur la traduction anglaise!). XXth century boys est bien aussi, mais il traine encore plus en longueur, et sur la fin, on en a un peu marre...Mais c'est bien quand même hein!
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  • A hotchpotch of drawings and paintings, film and book review, funny quotations, but not much about dodos I'm afraid... Un joyeux mélange de dessins et de peintures, de critiques de films et de livres, de citations, mais pas grand-chose sur les dodos..
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